Romain

*Place aux évaluations. Les quatrièmes depuis le début de la compétition. Romain avait opté pour la chanson « Je suis un homme » de Zazie. Il aurait pu choisir « En apesanteur » de Calogero – chanson qu’il aimait beaucoup qui faisait partie de la liste des chansons proposées – mais puisqu’il avait déjà eu la chance de l’interpréter sur le prime en compagnie de l’artiste et qu’il ne souhaitait pas faire penser à ses professeurs qu’il se reposait sur ses acquis, il préféra se défendre sur celle de Zazie. Car Romain travaillait beaucoup, même si on le voyait souvent rigoler avec Sofia ou Emma, il n’en négligeait pas le travail pour autant.. Il avait répété une grande partie de la soirée sur la chanson choisie. Il n’avait pas prévu de mise en scène particulière, ni d’instrument pour s’accompagner cette fois. Cette semaine, il préférait plus de simplicité. Romain poussa la porte de la salle d’évaluations, parmi les derniers. Il se présenta souriant, lança un allègre « Bonjour » avant de se préparer à chanter. Il prit alors un micro, après avoir donné le CD à un des professeurs..*

Je suis un homme de Cro-magnon
Je suis un singe ou un poisson
Sur la Terre en toute saison
Moi je tourne en rond, je tourne en rond

Je suis un seul puis des millions
Je suis un homme au cœur de lion
A la guerre en toute saison
Moi je tourne en rond, je tourne en rond

*Placé vers le fond de la salle, faisant face aux professeurs Romain se concentra pour passer au mieux son évaluation. Son passage devant eux commença en tapant la mesure. Le grand brun avait la tête baissée, les yeux fermés. Puis, il entonna les premières paroles ne changeant pas de position. Romain insistait particulièrement sur l’articulation, gardant le rythme de la mélodie. Il avait de quoi surprendre puisqu’il ne posait son regard sur aucun membre des évaluateurs, mais gardait les yeux fermés et surtout la tête baissée. Il devait donc transmettre tout ce qu’il avait à transmettre par sa voix uniquement. Inutile de préciser combien il était concentré sur les paroles de la chanson, non seulement pour leur sens mais aussi pour ne pas se tromper. Car il craignait particulièrement un oubli. Romain avait une voix posée, douce mais pas cachée par la musique. Il était présent dans la salle, même s’il s’effaçait en quelques sortes. On lui portait attention car sa voix, elle, se faisait audible et claire. Il chantait sincèrement, avec l’émotion du moment..*

Je suis un homme plein d'ambition
Belle voiture et belle maison
Dans la chambre, dans le salon
Moi je tourne en rond, je tourne en rond

Je fais l'amour et la révolution
Je fais le tour de la question
J'avance, avance à reculons
Moi je tourne en rond, je tourne en rond

*Pendant le petit temps d’instrumental, Romain ouvrit enfin les yeux. En enchaînant sur le troisième paragraphe, il posa son regard sur les professeurs, la tête toujours légèrement baissée. Sur la phrase « Je suis un homme plein d’ambition », l’intensité – et la lueur – de son regard donnait une autre dimension à son interprétation. Il faisait attention à son articulation, pour se faire bien comprendre de tous. Les paroles de la chanson parlaient réellement à Romain, qui les avaient lues avant d’écouter le titre. Toutes lui évoquaient quelque chose. Ce qu’il chantait ne le laissait pas indifférent, et cela se ressentait. Il évoquait beaucoup par le regard, ne quittant pas des yeux la table des professeurs. Même si sa voix était claire et son regard évocateur, Romain paraissait tendu. Sa main libre se serrait en un poing, ou encore s’agitait légèrement.. C’était une autre étape, pour lui. Et l’angoisse était normale. Mais il s’en servait, pour son interprétation, pour un air plutôt rude sur son visage, mais pas trop évidemment..*

Tu vois, j'suis pas un homme
Je suis le roi de l'illusion
Au fond, qu'on me pardonne
Je suis le roi, le roi des cons

*Romain enchaîna avec le refrain. Il releva un peu plus la tête, mais pas complètement. Il le faisait progressivement. Comme s’il se relevait petit à petit, prenait conscience des paroles de la chanson. La partie était plus aiguë, mais Romain ne perdit pas le fil pour autant. Il avait travaillé et atteignait parfaitement les notes les difficiles pour lui, tout en gardant ce côté posé et naturel dans sa voix. En revanche, son visage était légèrement crispé, ce qui était étroitement lié aux paroles de la chanson. De plus, sur certains mots, il appuyait volontairement, insistait sur leur âpreté, tels que « illusion » ou « cons »..*

J'ai fait le monde à ma façon
Coulé dans l'or et le béton
Corps en cage, cœur en prison
Moi je tourne en rond, je tourne en rond

Assis devant ma télévision
Je suis de l'homme la négation
Pur produit de consommation
Et mon compte est bon, mon compte est bon

*Romain continua la chanson toujours concentré, et sérieux. Il esquissa tout de même un léger sourire avant de reprendre les couplets après le refrain. Il s’avança lentement vers le côté de la salle où se trouve le piano. Au rythme de la musique, du débit de paroles qu’il prononçait, il releva complètement le tête, se tenant droit. Romain conservait sa voix claire et posée, même si au fond cette évaluation l’angoissait. Il faisait sur lui un travail énorme pour ne pas avoir la voix qui tremble, et ne pas être compris. C’est pourquoi il articulait, et gardait sa voix la plus posée possible, la plus naturelle possible. Pour ça heureusement, il n’avait aucun problème. Rester naturel, c’était indispensable pour lui. Il adressait des regards aux professeurs, de temps à autres fermait rapidement les yeux, tout en continuant sa progression. Arrivée la phrase « Et mon compte est bon, mon compte est bon », Romain se tourna face aux professeurs, le regard explicite. Il était près du piano désormais, fixant ses évaluateurs..*

Tu vois, j'suis pas un homme
Je suis le roi de l'illusion
Au fond, qu'on me pardonne
Je suis le roi, le roi des cons

*A nouveau, Romain chanta le refrain du succès de Zazie. Il resta près du piano, regardant ses professeurs. Toujours aucun problème de justesse sur cette partie, qu’il avait travaillée un long moment. Et cela s’avérait payant. Romain jouait beaucoup sur son regard pour conquérir l’attention et l’intérêt que portaient ses juges sur son interprétation. Lui se sentait bien, malgré le stress, il aimait tellement cette chanson, qu’il ne pouvait pas la faire autrement qu’avec sincérité, simplicité et plaisir. Tout ce qu’il cherchait était de montrer tout cela à ceux qui l’écoutaient..*

C'est moi le maître du feu
Le maître du jeu
Le maître du monde
Et vois ce que j'en ai fait
Une Terre glacée, une Terre brûlée
La Terre des hommes, que les hommes abandonnent

*Sur cette partie, Romain se laissa aller à l’instinct. Il commença donc à s’avancer vers les professeurs, les fixant dans les yeux. Il était réellement impliqué dans la chanson, aussi bien vocalement que physiquement. Vocalement, il était juste, maîtrisait ses aigus, dans la simplicité, la voix claire et non forcée, il était dans l’émotion, puisant ce qu’il ressentait sur le moment même : son angoisse, l’envie qui lui tordait le ventre. Physiquement, il se révélait progressivement. D’abord fermé – début de la chanson – Romain avait commencé à se relever puis à occuper l’espace de la salle, pour enfin prendre l’initiative de s’avancer vers le Jury redouté. Cette initiative – prise à l’instinct et non préparée – montre à ses professeurs qu’il s’implique pleinement. « C’est moi le maître du jeu, le maître du monde » leur dit-il. Et il le montre. En s’adressant directement à chacun de ses professeurs, Romain regagne lentement le milieu de la salle..*

Je suis un homme au pied du mur
Comme une erreur de la nature
Sur la Terre sans d'autre raison
Moi je tourne en rond, je tourne en rond

Je suis un homme et je mesure
Toute l'horreur de ma nature
Pour ma peine, ma punition
Moi je tourne en rond, je tourne en rond

*De nouveau au milieu de la salle, face aux professeurs, Romain prit à deux mains son micro. Il attachait de l’importance à son articulation, depuis le début de la chanson. Les regardant fixement, l’academycien leur racontait la chanson. Sa voix juste et claire, son timbre de voix si personnel et agréable, Romain les avaient conservés pour toute son interprétation. Son regard intense et ce petit air dur sur son visage contribuaient à attirer l’attention de ceux qui l’écoutaient. Il comprenait parfaitement ce qu’il chantait, et le prenait à cœur lorsqu’il le faisait. Romain termina la chanson par des « Je tourne en rond » nuancés. Il adressa un sourire à ses professeurs, rangea son micro. Il les remercia puis sortit de la salle d’évaluation, retrouver le château..*